Amalgame

Face-à-flacon avec Étienne de Swardt, créateur en état de liberté

 Loin des briefs marketing et des accords bien-pensants, Étienne de Swardt parle parfum comme on parle d’une passion viscérale. Dans cet entretien, il évoque ses inspirations inattendues, ses élans créatifs, et sa manière bien à lui de réenchanter l’ordinaire à coups de sillage. Une conversation libre, élégante et un peu déjantée — comme ses flacons.

Étienne de Swardt

Amalgame : Comment on en arrive à créer un parfum qui sent le sexe, le sang et le popcorn ? Est-ce que c’est de l’olfaction ou de la psychanalyse ?
Étienne de Swardt : Une comédie humaine. Des jus très balzaciens, pour sortir des sentiers battus de la parfumerie standardisée serait le manifeste d’Etat Libre d’Orange depuis 2006. Au-delà des odeurs qui dérangent, les parfumeurs avec lesquels nous travaillons sont libres de créer des jus sublimes, surprenants, de vraies histoires à vivre sur la peau.

Amalgame : Vous avez travaillé pour la « parfumerie de luxe ». Aujourd’hui vous l’embrassez… à l’envers. C’était quoi le moment exact où vous vous êtes dit : “Je vais foutre le feu au flacon” ?
Étienne de Swardt : Je rêve moi aussi d’une allumette et d’embrasser aussi le tout-venant. Lorsque l’essence même n’était pas assez mis à l’honneur, quand le sens même n’était pas au cœur du produit, quand tout s’apparentait à de la contrainte uniquement, du plaire pour plaire. J’ai voulu redonner un élan de créativité dans la liberté de concevoir des concepts comme les compositions. Une révolution olfactive !

Étienne de Swardt : Le parfum comme acte subversif

Amalgame : Sécrétions Magnifiques, Putain des Palaces, Spice Must Flow… Vos titres font frémir les parfumeries sages. Vous pensez qu’on peut encore choquer aujourd’hui avec du parfum ? Ou qu’il faut carrément renverser la table ?
Étienne de Swardt : Etat Libre d’Orange c’est avant tout des concepts et des histoires avec lesquels sont construits les créations olfactives. Aujourd’hui, les titres qui définissent notre marque sont plutôt « You or Someone Like You » et le sillage d’une femme à LA, « Experimentum Crucis » en hommage à Isaac Newton et ses lois de gravité et de lumière, « Nostos » en hommage à Achilles, le plus beau des héros grecs, tellement plus beau et moins attendu qu’Ulysse, « Hermann à mes côtés me paraissait une ombre » et la poésie gothique de Victor Hugo, ou encore « I am Trash – Les Fleurs du Déchet » et la poésie des déchets, composé uniquement d’ingrédients upcyclés. Nous tirons notre inspiration de la poésie, de légendes humaines, avec audace et ironie. Nous aimons que nos clients portent nos concepts comme une seconde peau, un parfum qui dit qui l’on est, qui donne la liberté d’être qui on a envie d’être. Devenir la légende de la légende.

Amalgame : Dans une industrie souvent très lisse, vous vous définissez comment : punk chic ? poète sale ? libertin olfactif ?
Étienne de Swardt :
Toujours vivant et never suspected. Aux frontières de tous les rôles, comme un apatride merveilleux, un sang-mêlé mercenaire.

Amalgame : Certains de vos parfums font naître des réactions viscérales. Le rejet, c’est aussi une forme de fidélité selon vous ?
Étienne de Swardt :
Tous nos parfums sont Camusien, ils empruntent autant à la révolte qu’à l’amour. Cocktail explosif qui laisse vivant. Le parfum est une des plus belles armes émotionnelles. Aujourd’hui, nous avons 2 collections regroupant près de 40 fragrances dans notre portefeuille. Des sillages frais, fusant, enveloppant, envoutant, épicés, boisés, fruités, fleuris, orientaux… il y a forcément votre prochaine signature olfactive chez Etat Libre d’Orange !

Format nomade : un petit flacon pour de grandes secousses
« I am getting good vibrations » et en plus il vient de mourir. 

Amalgame : Vous lancez aujourd’hui un nouveau format nomade, plus léger, plus pratique. Est-ce une manière de démocratiser vos explosions sensorielles… ou une ruse pour mieux infiltrer les sacs à main ?
Étienne de Swardt :
Le Voyage est notre nouveau format nomade, un petit format pour voyager à travers le temps et l’espace, pour ceux qui aiment jouer avec leurs parfums, partout, tout le temps. Pour tous les addicts qui n’en ont jamais assez. Nos trois fragrances les plus iconiques sont disponibles dans un coffret de 3 recharges de 10ml et d’un étui métallique unique, rechargeable à volonté

Amalgame : Le public belge est réputé pour son goût de l’ironie et du surréalisme (Magritte, Stromae, même notre météo). Votre maison ne serait-elle pas, en fait, très belge dans l’âme ?
Étienne de Swardt :
L’ironie est au cœur de l’ADN de notre maison, en cela nous sommes frères et soeurs, voisin.e.s de cœur et d’esprit.

Matières, récits et déviances créatives

Amalgame : Chez vous, les parfums ont toujours une histoire. Parfois sensuelle, parfois absurde, souvent borderline. Qu’est-ce qui vient en premier : le scénario ou le sillage ?
Étienne de Swardt :
Mon inspiration vient de la littérature, de la poésie, du cinéma, du théâtre, de la science, du monde qui m’entoure et des nuages, des merveilleux nuages. Je suis un concepteur, un story teller, j’écris des histoires et les transmets en brut à des parfumeurs de talents qui en font la traduction. Ils ont la liberté de créer, de l’interpréter, nous travaillons main dans la main pour aboutir à la meilleure signature olfactive conceptuelle.

Amalgame : Vous parlez d’“émotions brutes”, d’“ingrédients vrais, vivants”. Le nez d’un parfum, c’est un écrivain ou un chimiste ?
Étienne de Swardt : Le nez est un artiste, le parfum est son œuvre. C’est ce qui me plait dans cette industrie, la liberté de créer, sans aucune contrainte, libre d’aimer et d’être aimé. D’exister, avant tout.

Amalgame : Vous avez flirté avec le boxeur Mohammed Ali, l’univers queer de Tom of Finland, la poésie trash… Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ? Le monde vous excite encore ou il vous déprime un peu ?
Étienne de Swardt :
Il m’a toujours déprimé. Mais toujours je me relève, à l’ombre de l’art, de la science – Eve a foutu le camp avec le serpent.

ET APRÈS ? – Franchir les prochaines limites

Amalgame : Vous avez parlé de “disruptive storytelling” et de schizophrénie créative. Quelles zones sombres (ou lumineuses) n’avez-vous pas encore osé explorer ?
Étienne de Swardt : Le hors-moi, tout un continent encore inexploré !

Amalgame : Et si vous ne pouviez garder qu’un seul de vos parfums pour représenter la maison, celui qui vous incarne le mieux aujourd’hui — ce serait lequel, et pourquoi ?
Étienne de Swardt :
Hermann à mes côtés me paraissait une ombre. Seul parfum gothique qui pourrait permettre l’immortalité en s’abreuvant d’amour quand un prince Dracula s’abreuve de sang.

Bonus – Le portrait olfactif d’un iconoclaste

Si votre maison était…

🌫️ Avant de refermer le flacon…

Après cette rencontre avec Étienne de Swardt, on comprend que chez État Libre d’Orange, le parfum est un langage à part entière — brut, libre et souvent irrévérencieux. C’est une maison qui ne propose pas de simples odeurs, mais des expériences. Des histoires à porter, à provoquer, à faire vivre.

Et si cette conversation vous a donné envie d’explorer les coulisses de la marque — ses créations cultes, ses partis pris olfactifs et sa manière bien à elle de renverser les codes — alors laissez-vous guider…

👉 À lire sur Amalgame : État Libre d’Orange : Pour Nez Indisciplinés. Un article immersif qui dévoile l’esprit de la maison à travers ses flacons, ses formats nomades et ses parfums en pleine insubordination.

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