Amalgame

Brume Orpin : 10 confidences engagées

Une maison de parfums à fleur de peau

Et si le luxe se mesurait à l’intention plutôt qu’à l’abondance ? C’est le credo de Brume Orpin, maison de parfumerie fondée par Tiphaine Cogez Cousseau. Ici, chaque détail compte : sourcing, formulation, design… Rien n’est laissé au hasard. Pas de greenwashing, mais une écoconception sincère.

Dans cet échange, Tiphaine dévoile les coulisses d’un projet où chaque parfum devient un manifeste. Entre intuition, engagement et poésie, elle partage 10 confidences sur sa manière d’habiter le monde avec finesse.

Tiphaine Cogez Cousseau

Tiphaine Cogez Cousseau x Amalgame

1. Chez Brume Orpin, tout semble pensé dans les moindres détails. Est-ce que ça vous arrive encore de céder à un coup de cœur pas très écofriendly ? (On ne jugera pas, promis !)
Non, je crois que lorsque l’on prend conscience de certaines choses, on ne peut plus faire marche arrière. Cela ne veut pas dire être parfaite, mais c’est un engagement intérieur, presque instinctif. Chaque achat, chaque choix est pesé. C’est une forme de liberté aussi, celle de choisir en conscience.

2. L’éco-conception, c’est souvent synonyme de compromis. Quel a été le vôtre le plus inattendu ? (Un flacon trop lourd ? Une teinte introuvable ?)
Pas tellement inattendu car je le savais, mais la pompe à l’intérieur du flacon a été un compromis d’une certaine manière car c’est un composant multi-matériaux, il n’existe à date dans le monde aucune solution mais nous suivons de près les avancées. De même que le cellophanage de nos produits. J’ai simplement fait le choix d’un film de cellophane recyclable. Créer c’est aussi s’engager à quelques compromis effectivement.

3. Quel petit geste du quotidien vous semble plus puissant qu’on ne le croit quand on parle d’engagement ?
Garder, réutiliser et réparer. Un art de vivre en soi. Mais aussi, oser dire non. Refuser un emballage en trop, un rendez-vous en avion. Ces “non” sont silencieux, mais ils résonnent fort si on les additionne. Et à l’échelle d’une Maison, ils deviennent des actes fondateurs.

4. Est-ce que l’empreinte carbone peut rimer avec plaisir ? À quel moment avez-vous eu le sentiment de réussir cette alchimie ?
Oui, le plaisir naît justement de cette cohérence entre ce que l’on fait et ce que l’on croit. Avec l’Acte 1 de Brume Orpin, nous avons prouvé qu’on pouvait concilier innovation, respect de notre santé – en limitant les allergènes et en bannissant les produits controversés – et de l’environnement, exigence artistique et impact réduit. Savoir que chaque parfum est conçu, sourcé et fabriqué en France/bassin méditerranéen, avec des matériaux nobles et biodégradables, me procure une forme de joie profonde et une fierté envers la génération future dont font partie mes enfants. C’est là que se trouve l’alchimie.

5. Quelle a été votre plus belle rencontre dans ce projet : un artisan, un fournisseur, un client, un parfum ?
Je garde un souvenir très fort de ma visite à la manufacture Canson, en Ardèche. Après avoir exploré de nombreuses pistes papetières, c’est là que j’ai ressenti un véritable alignement : une équipe transparente, engagée, capable de retracer précisément l’origine des matières premières utilisées pour notre papier.
Ce moment a marqué plus qu’un choix technique : il a incarné la rencontre entre des savoir-faire, une vision et une exigence partagées. Travailler ainsi, c’est s’assurer que chaque geste, chaque matière, porte du sens.

6. Y a-t-il un ingrédient que vous adorez olfactivement mais que vous vous êtes interdit d’utiliser ? Pourquoi ?
Oui, les agrumes. J’en adore la fraîcheur, mais ils restent très allergènes et ne sont pas biodégradables. Pour BRUME ORPIN, j’ai fait le choix d’une parfumerie plus vertueuse, à la fois respectueuse de la santé et de l’environnement. Renoncer à certains ingrédients, même très séduisants, fait partie de cette quête d’absolu. C’est un engagement qui guide chaque création mais qui comme chaque contrainte, nous rend aussi plus créatifs.

7. On imagine parfois les fondatrices très sérieuses, en blouse blanche… Mais vous, à quoi ressemble votre moment préféré dans la création d’un parfum engagé ?
Ce moment suspendu où tout commence. J’appelle cela « l’idéation » : griffonner des noms comme des titres de chapitres, associer des souvenirs à des matières premières, poser des questions, chercher encore et toujours : une forme, une couleur, une sensation. Mon jardin, mes enfants, ma collection de parfums d’enfance, une exposition, un livre, un film… tout y contribue. C’est un ballet silencieux entre mémoire et matière, dont naît mon élan créatif.

8. Et si Brume Orpin devenait autre chose qu’une maison de parfum : un lieu, une école, une cabane dans les bois… que serait-ce ?
Un espace immersif où l’architecture dialogue avec la botanique, l’art contemporain et l’art du parfum. À mi-chemin entre atelier de création, galerie sensorielle et hôtel contemplatif, ce lieu incarnerait l’ADN de BRUME ORPIN : ralentir, ressentir, s’émerveiller. Un sanctuaire poétique niché au Touquet-Paris-Plage ou au cœur des Écrins, pour réapprendre à habiter le monde avec finesse. Un lieu pour se perdre, se retrouver ou se révéler.

9. Qu’est-ce que les gens sous-estiment encore dans la démarche écologique appliquée au parfum ?
L’importance de se poser des questions. Assembler en France ne fait pas tout et depuis des années nous nous posons déjà la question de ce que contiennent nos crèmes ou nos dentifrices. Pourquoi moins s’interroger sur le parfum ? Un parfum est un objet de désir et cette dimension émotionnelle occulte souvent tout ce qu’il y a derrière : sourcing, transport, emballage, procédés chimiques, allergènes… L’écoconception en parfumerie demande une rigueur absolue à chaque étape et nous pousse à être créatifs. C’est un vrai défi d’équilibriste.

10. Vos enfants vous inspirent beaucoup. Y a-t-il une phrase d’eux que vous gardez comme mantra dans les moments de doute ?
Un jour, mon fils m’a demandé : « Qu’y a-t-il dans les parfums ? » En regardant les pictogrammes sur mes huiles essentielles « dangereux pour les enfants de moins de 3 ans », « nocifs pour les femmes enceintes » j’ai pris conscience de ce que je ne voulais plus. Cette question a été fondatrice : elle a ancré ma volonté de bâtir une maison de parfum engagée. Il m’a récemment dit : « En fait, c’est grâce à moi, tout ça ! » Il n’a pas tort. Après une vie passionnée de parfum, je veux qu’il puisse grandir avec ces sillages qui rendent la vie plus belle – sans jamais douter de leur innocuité.

Le parfum comme acte de transmission

Chez Tiphaine, la création d’un parfum n’est jamais un geste anodin. C’est un acte de foi, un dialogue entre éthique et esthétique, où chaque décision compte. À l’heure où la parfumerie cherche un nouveau souffle, Brume Orpin pose les bases d’un luxe plus incarné, plus lucide. Une maison indépendante, sensible aux murmures du vivant, qui refuse les compromis creux au profit d’un raffinement sincère.

Et si l’on repart de cette interview avec une certitude, c’est bien celle-ci : un parfum peut être beau, bouleversant, et bon pour le monde. Il peut devenir un vecteur de conscience, de mémoire… et même, de changement.

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